Urbanism is the new cool

Après avoir accueilli Franck Gehry, le Centre Pompidou consacre une importante rétrospective à Le Corbusier, pile au moment où se sont achevés les cours que je suivais à l’Ecole du Louvre sur l’histoire des destructions urbaines de Paris. L’architecture et l’urbanisme sont dans l’air du temps, I’m telling you. 

Encore récemment, j’ignorais que la ville de Paris et l’Ecole du Louvre offraient des cours publics, en accès libre et gratuits. Alors je vous refile le tuyau : un programme est fixé pour l’année scolaire – en général à la rentrée – et un professeur vous accueille une heure par semaine dans l’auditorium du Carrousel pour vous transmettre son savoir sur le thème choisi, se rapportant au patrimoine artistique et culturel parisien. Pour la première fois, j’ai suivi ce cycle de cours, qui était cette année animé par le Professeur Pierre Pinon, et sobrement intitulé « La capitale invisible, ou l’histoire des destructions de Paris ». De l’Ancien Régime aux travaux contemporains, en passant par le Second Empire et les percées haussmanniennes, on a fait le tour de ce qui a forgé l’urbanisme parisien d’aujourd’hui.

Et le saviez-vous ? Parmi les critiques formulées à l’encontre des grands travaux insufflés par Napoléon III dès 1850 et confiés pour majeure partie au Baron Haussmann, arrivait en bonne position celle d’une architecture trop uniforme, au quadrillage mécanique, militaire, avec l’idée de ne surtout pas faire de Paris une ville comme… New York.

J’ai ainsi découvert que l’architecture new yorkaise, aujourd’hui si filmo/photogénique était très critiquée jusque dans les années 1920. Et que New York a eu son propre bâtisseur entre les années 1940 et 1970, Robert Moses, lui-même admirateur… d’Haussmann.

View from my windows, NYC vs Paris

View from my windows, NYC vs Paris

Si de chaque côté de l’Atlantique on s’accorde sur la nécessité d’opérer de grandes percées pour aérer la ville, lui rendre vie et faciliter les circulations, Paris et New York s’opposent sur plusieurs points.

D’abord, Napoléon III pense que les gares doivent être les nouvelles portes de Paris et que dans le futur, les gens voyageront plus en train qu’en voiture (il n’avait pas vu l’avion venir et ne connaissait pas la pollution aux particules fines, mais il était bien parti.) Résultat : de nombreuses grandes gares intra-muros, opportunément situées selon la destination de votre train, et desservies par de grands axes routiers pour en faciliter l’accès (genre : je fais Paris – Strasbourg en partant de la Gare de l’Est, à laquelle j’accède depuis le boulevard de Sébastopol, vous comprenez l’idée.)

A l’inverse, Robert Moses fait la part belle à la circulation automobile. La West Side Highway par exemple, c’est lui, et il se dit même que New York compta un temps plus d’autoroutes que Los Angeles (si ça vous dit de lire la notice nécrologique du New York Times à son sujet, elle explique tout bien.)

Autre différence de taille : les tours. Quand le plan local d’urbanisme parisien limite la hauteur des bâtiments (à de rares dérogations près), New York continue de courir après les étages.

Le printemps, Montparnasse vs l’observatoire de l’Empire State

Le printemps, Montparnasse vs l’observatoire de l’Empire State

Et là, on retrouve ce qui fait la spécificité de ces deux villes chéries dans l’inconscient collectif : d’un côté, les toits gris des immeubles haussmanniens aux pierres claires, dont le romantisme se révèle sous la pluie et les reflets éblouissent au soleil, et de l’autre, la skyline en évolution perpétuelle, qui témoigne du dynamisme et des vibrations permanentes des five boroughs.

C’est aussi pour ça qu’on aime ces deux villes, et il serait bien fou celui qui pourrait en préférer l’une à l’autre.

Imaginez, New York sans ses tours mais de multiples brownstones : welcome back, New Amsterdam. Imaginez, Paris sans ses immeubles XIXème mais de grands complexes : thanks, but no thanks.

Exemple avec ce projet de Le Corbusier, dont la non réalisation doit vous faire dire qu’un dieu existe (oui, c’est l’île de la Cité, en bas à droite) (note : certains des dessins sont en ce moment visibles au Centre Pompidou) :

Bon, je ne vais pas faire semblant, je suis une inculte en architecture et urbanisme. Mais j’étais très intéressée par la découverte de cette approche historique de la façon de concevoir la ville. Et si ça vous intéresse, vous trouverez tout plein de bouquins qui abordent ces sujets bien mieux que moi, dont ceux du Professeur Pinon, ou encore la BD de Christin et Balez sur Robert Moses sortie en 2014. Vous avez également en kiosques en ce moment le dernier numéro de Science & Vie, qui titre sur un dossier spécial « Réinventer la ville », ainsi qu’un hors-série consacré aux « Nouveaux mystères de Paris ».

Mes racines vous font aussi dire que Paris/Haussmann et New York/Moses ne sont pas seuls, et que d’autres villes doivent leur urbanisme contemporain à l’œuvre de grands bâtisseurs, comme Lisbonne reconstruite par le Marquis de Pombal après le tremblement de terre de 1755 (il en existe sûrement d’autres, je vous laisse chercher !)

Je finirais par un message à l’attention de mon moi adolescent (transmis par DeLorean) : ouais, ouais, un jour tu suivra de ton plein gré des cours libres dans un amphi blindé, et en plus tu les trouvera intéressants.